Une jeune fille de 14 ans est venue me trouver pour m'indiquer qu'elle avait été sexuellement agressée à la sortie de son collège par deux autres collégiens qui l'avaient conduit dans un endroit à l'abri des regards, et lui avait imposé toutes sortes de gestes à caractère sexuel.
Je la sentais mal à l'aise, dans l'incapacité de finalement m'expliquer ce qui avait réellement pu se passer, notamment au regard de la contrainte et des menaces qu'elle avait pu subir.
Une fois encore, j'avais face à moi une jeune fille dont l'éducation n'avait pu empêcher qu'elle ait eu accès à ce que nos adolescents croient être de la sexualité alors qu'il ne s'agit que de pornographie.
En effet, avec Internet, les jeunes ont accès à ce qu'il pensait être de la sexualité alors qu’ il ne s'agit que de sites à caractère pornographique. La pornographie n'est rien d'autre que la mise en images de fantasmes qui, à ce titre, devrait rester au stade de l'imaginaire.
Malheureusement, et comme aucun encadrement n'est fait, ces jeunes considèrent qu'il s'agit là de la sexualité et miment, ou répliquent ce qu'ils voient faire sur leurs écrans.
Le plus choquant de cette histoire est de constater que cette petite victime est âgée de 14 ans, et ses deux agresseurs présumés ont le même âge.
Même si, en écrivant cela, j'ai l'impression d'entendre parler mon père lorsque j'avais 15 ans, il me semble que notre société, quant à ses mœurs, évoluent de manière curieuse.
Aujourd'hui, tout un chacun a accès à des images d'une grande violence. Sans aucun encadrement, ils considèrent qu'il s'agit là du reflet de la vérité. C'est un peu comme si on montrait à des enfants des films de Superman en leur faisant croire qu’eux aussi, ils peuvent voler…
Si cette jeune fille avait autant de difficultés à m'expliquer la contrainte qu'elle avait subie, c'est que certes, il y en avait une, mais qu'elle n'était pas d'une grande importance. Elle s'est sentie obligée d'agir, plus qu'elle n'y a été véritablement contrainte.
Ce qui avait finalement permis le passage à l'acte, c'est que ce qui lui était demandé par ces deux jeunes garçons représentait des gestes qu'elle connaissait, même si elle ne les avait jamais encore faits.
Il ne s'agit pas de dire qu'il faut enfermer nos enfants dans des caves en espérant qu'ils n'auront accès à rien pour pouvoir les protéger. Il s'agit surtout de se rappeler que quels que soient les éléments auxquels peuvent avoir accès nos enfants, il est impératif que nous puissions continuer à les encadrer et à leur expliquer ce qu'ils sont en train de découvrir. À défaut, ils se font leur propre idée, sans avoir de référence, ce qui peut engendrer de lourdes conséquences.
Car la justice, elle, n'a pas évolué. Elle demande impérativement que soit caractérisé la violence, la menace, la contrainte ou la surprise pour que le délit ou le crime sexuel soit caractérisé. Et c'est aussi cette différence de vitesse quant à l'évolution de notre société qui peut poser question.
Je ferai évidemment tout pour accompagner cette jeune fille dans ce méandre judiciaire, en espérant qu'elle en sorte dans de bonnes conditions et que cette expérience, même si elle a été douloureuse, lui permette de mieux comprendre quelles sont les limites.