Le prix de la vertu


La presse se fait une nouvelle fois l'écho du feuilleton judiciaire entre Dominique Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo. Il s'agit aujourd'hui de nous rendre compte du fait qu'ils sont tombés d'accord sur une somme à verser à  Mlle Diallo en contrepartie de sa renonciation à exercer quelque poursuite que ce soit à l'encontre de M. Strauss-Kahn.

Même si l'accord est secret, il n'en reste pas moins que des sommes ont circulé et elle dépasse l'entendement de l'avocat de victimes français que je suis. Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour toutes les victimes que je défends depuis plus de 20 ans et à qui il n'a jamais été offert une telle somme, parfois pour des sévices et des préjudices autrement plus important que ceux subis par Mlle Diallo.

Si le montant des dommages-intérêts aux États-Unis est sans commune mesure avec ceux pratiqués en France, il convient de pondérer ce propos.

 En effet, les principaux bénéficiaires des sommes obtenues par ce biais ne sont pas les justiciables mais leurs avocats. En effet, le principe de fonctionnement des avocats américains est différent du nôtre. Chez eux, le client n'a pas à débourser quelque somme que ce soit, mais en contrepartie du travail fourni, il accepte de laisser à l'avocat souvent bien plus de la moitié des sommes qui lui reviennent.

Dans le cas qui nous occupe, il a été fait état d'un pourcentage de l'ordre de 60 à 70 % pour le cabinet d'avocats qui représentaient Mlle Diallo.

Pour ma part je pense qu'il s'agit d'une sérieuse dérive du système judiciaire. Celui-ci n'est pas fait pour enrichir  les auxiliaires de justice mais bien pour faire en sorte que les justiciables obtiennent l'indemnisation du préjudice qu'ils ont subi.

Il y a quelque chose de totalement amoral dans cette pratique. Imaginez qu'il s'agisse d'une personne qu'on a amputée des deux jambes, cette dernière n'obtiendrait finalement l'indemnisation que d'un pied si j'ose m'exprimer ainsi, le reste de ses membres inférieurs allant directement au cabinet d'avocats qu'il a défendus.

Quoi qu'il en soit, même si il semble qu'aux États-Unis nous soyons dans la démesure, force est de constater qu'en France l’indemnisation des préjudices subis par les victimes est souvent ridicule au regard du  préjudice  véritablement subi.

Il y a même mieux. Depuis quelques années je constate une baisse drastique des indemnisations obtenues par les victimes, alors que rien ne le justifie bien évidemment.

La paupérisation de notre système judiciaire est partout.

 Lorsque l'on sait que la plupart de ces sommes allouées au titre des dommages-intérêts sont finalement versées par la collectivité au travers du fonds de garantie, on comprend mieux le souci de  réaliser des économies, quelles que soient les conséquences humaines que cela peut générer.

Je n'accepte pas cette manière d'opérer. La loi précise bien que la victime a droit à être indemnisée de l'intégralité du préjudice qu'elle a subi.

Sans entrer dans des exemples particulièrement révélateurs, il faut savoir  qu'en France, la perte d'un enfant représente des dommages-intérêts à hauteur d'environ 25 000 €.

Lorsque l'on compare cette somme à celle qui a vraisemblablement été alloué à Mlle Diallo en contrepartie de son silence (6 millions d'euros) il y a de quoi être scandalisé.

Sans même traverser l'Atlantique, tout le monde se rappelle du montant des dommages et intérêts obtenus par M. Tapie dans le cadre de son procès avec le Crédit Lyonnais et, là encore, il y a manifestement deux poids et deux mesures.

Il est peut-être temps de réfléchir un système d'indemnisation des gens qui permettent enfin aux victimes d'engager leur processus de reconstruction dans des conditions honorables.


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