Un jeune maghrébin s'est un soir très mal comporté avec des militaires de la gendarmerie sur la place de son village. Avec toute une bande de jeunes, ils ont passé une partie de la soirée à les invectiver et à les provoquer, sans que leur comportement ne dépasse jamais le stade des mots. Fort logiquement, il reçoit une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel pour répondre du délit d'outrage. Malheureusement, le matin de l'audience, sa mère diabétique fait un malaise et tout seul à la maison avec elle, il ne se rend pas à l'audience et ne préviens personne de son empêchement. Le tribunal le condamne en son absence à une peine d'un an d'emprisonnement ferme et décerne mandat d'arrêt à son encontre. Il est arrêté quelques jours plus tard et conduit à la maison d'arrêt. Il fait fort logiquement appel de cette sanction particulièrement lourde pour un garçon qui n'avait qu'un seul antécédent, une condamnation à une peine de principe prononcée par le tribunal pour enfant. Il me désigne pour assurer sa défense devant la cour d'appel. A l'audience, le jeune homme reconnaît les faits et fait, comme il le peut, amende honorable. Il dit surtout qu'il vient de passer trois mois en prison pour la première fois de sa vie, et qu'il a compris qu'on ne l'y reprendrais plus, tant sa détention lui pesait. L'avocat général, qui représente la Société, prend des réquisitions ou, après avoir relevé le caractère inadmissible du comportement du prévenu, il considère que le jeune homme a assez payé, et sollicite que sa peine soit ramenée à un an d'emprisonnement, dont neuf mois avec sursis. En clair, il demande que ce garçon soit libéré. Je plaide rapidement en abondant dans son sens tant ce que nous disions tous les deux me paraissait frappé au coin du bon sens. La cour, après avoir délibéré, a condamné le jeune homme à quinze mois d'emprisonnement ferme, a ordonné son maintien en détention,et, cerise sur le gâteau, a privé le garçon de ses droits civiques pendant deux ans, histoire de le priver du doit de vote pour les prochaines élections présidentielles et législatives. Il ne comprendra jamais cette décision qu'il vivra comme une profonde injustice. Je partage sa révolte mais moi, j'ai les moyens de la contrôler. Je doute que ce soit son cas, et la prochaine fois qu'il sera face à des gendarmes, j'ai bien peur que la confrontation ne s'arrête pas aux simples mots. Qui faudra t il blâmer alors ?
C'est la rentrée (2)